Luxembourg, le 29 janvier 2024 : le résultat n'aurait pas pu être plus clair : 87% de la population au Luxembourg estime que le gouvernement luxembourgeois devrait s’assurer de la conformité avec les standards internationaux en matière droits humains, climat et environnement. En plus 90% sont d’avis qu’il faut une transparence concernant ses engagements politiques au niveau de l’UE en la matière. Il est important à présent que les différents responsables politiques au niveau du gouvernement en charge passent à l’action lors de la phase finale de l’adoption de la directive au niveau de l’UE et sa transposition en loi nationale.
Ces chiffres proviennent d'une récente enquête représentative menée par ILRES pour l'Initiative pour un devoir de vigilance, une plateforme de 17 organisations de la société civile qui s’investit pour le respect des droits humains au niveau des activités économiques d’entreprises ayant leur siège au Luxembourg.
Une attente forte d’un Luxembourg exemplaire
9 personnes sur 10 attendent à présent du gouvernement luxembourgeois d’assurer une conformité avec les traités et engagements internationaux en matière de droits humains, climat et environnement. S’opposer à cette attente risque donc de contredire par conséquent la volonté d’une majorité de la population. Il faut savoir que cette attente est aussi bien au niveau de l’élaboration de lois nationales qu’au niveau de ses prises de position à Bruxelles lors de l’élaboration de législations de l’Union européenne.
Le Grand-Duché a pris un certain nombre d’engagements au niveau international dans le domaine de la durabilité comme les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits humains ou l’accord de Paris sur le changement climatique. En plus, le Luxembourg s’est fait élire en octobre 2022 comme membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. La qualité de membre s’accompagne de la responsabilité d’ « observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits humains (point 9 de la résolution 60/251) ».
Malgré s’être déclaré lors des négociations sur la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité « pour un alignement aux normes et standards internationaux sur le devoir de vigilance », le gouvernement luxembourgeois précédent s’est mis en contradiction avec ces normes. Il l’a fait en s’opposant à l’inclusion du secteur des fonds d’investissements au niveau d’une responsabilisation. Ayant suivi des arguments court-termistes de certains lobbys financiers, le gouvernement précédent n’a pas répondu de manière positive afin de se positionner comme pionnier afin de devenir un centre d’excellence en finance durable à l’appel du groupe de travail des experts des
Nations Unies sur les entreprises et les droits humains ayant visité le Luxembourg en décembre 2022. Continuer une telle politique risquerait de n’être pas à la hauteur de la responsabilité d'un membre du du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies.
Une demande élevée de transparence sur les positions du Luxembourg
Certains pays au niveau de l’Union européenne comme les Pays-Bas rendent publiques leurs positions lors des négociations à Bruxelles comme lors du cas de la directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité. 90% des répondants sont d’avis que le gouvernement luxembourgeois devrait également publier de manière transparente ses positions lors des négociations sur cette directive.
Ceci n’a pas été le cas jusqu’à présent. Même après la prise de position du Conseil des Ministres au niveau européen en décembre 2022, le Luxembourg n’a pas voulu mettre ses cartes sur table et n’a dévoilé qu’une partie de sa position lors d’une déclaration du Ministre des Affaires étrangères à la Chambre des députés. L’Initiative pour un devoir de vigilance a dû solliciter la Commission d’accès aux documents afin de pouvoir connaitre la position intégrale du gouvernement précédent qui a maintenu sa position de ne pas publier sa position intégrale lors de la négociation sur la directive. Maintenir une telle intransparence au niveau d’un dossier d’une importance capitale au niveau droits humains, climat et environnement ne devrait plus être à l’ordre du jour.
Le gouvernement actuel a annoncé d’agir dans son programme de coalition en matière d’accès à l’information vis-à-vis des journalistes. Même si cette annonce louable se concrétiserait, il faut noter que l’amélioration de l’accès à l’information pour les journalistes n’est pas synonyme d’amélioration de l’accès à l’information pour les citoyens et la société civile.
D’autres défis en matière droits humains, climat et environnement sont à relever pour le gouvernement actuel comme le fait ressortir cette récente enquête Ilres :
93% de la population au Luxembourg est d’avis que les victimes devraient avoir moins de barrières à surmonter pour aller en justice.
L’accès à la justice en cas de violations des droits humains par des entreprises est généralement extrêmement difficile (obstacles procéduraux, coûts énormes, ...) pour les personnes les plus vulnérables du monde comme les victimes du travail des enfants ou travail forcé. Trop souvent les victimes se heurtent à des obstacles procéduraux et substantiels souvent insurmontables. Pour surmonter les obstacles menant à la justice, l’Initiative pour un devoir de vigilance a revendiqué que les mesures suivantes devraient être prises : l'introduction de la responsabilité civile pour les dommages tout au long de la chaîne de valeur mondiale de l'entreprise ; le renversement de la charge de la preuve en faveur des victimes de violations des droits humains ; l'accès à des mesures de recours collectif pour toutes les victimes d'abus d'entreprise.
Des pas importants au niveau de l'inclusion de mesures d'accès à la justice indispensables pour les victimes d'abus commis par les entreprises seront possibles, et en particulier sur l'amélioration de l'accès aux preuves et l'instauration de délais raisonnables pour déposer des plaintes. Comme le Luxembourg a eu une position ambitieuse au niveau des négociations avec le renversement de la charge de la preuve en faveur des victimes de violations des droits humains, il ne faudrait en aucun cas se limiter lors de la transposition de la directive dans la législation nationale au principe « toute la directive et rien que la directive ». Le Luxembourg pourra ainsi montrer qu’il est un vrai membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, une adhésion qui s’accompagne de la responsabilité de respecter des standards les plus élevés en matière des droits humains.
89% des répondants sont d’avis que le gouvernement doit s’assurer que les entreprises publiques ou semi publiques doivent jouer un rôle de modèle et prennent des mesures concrètes au niveau de leurs activités économiques pour prévenir des violations des droits humains.
Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains prévoient « de prendre des mesures plus rigoureuses au niveau des entreprises qui appartiennent ou sont contrôlées par l’Etat pour exercer une protection contre les violations des droits de l’homme ».
Dans ce contexte l’Initiative pour un devoir de vigilance, le Cercle de Coopération des ONGD et le groupe de travail « Finance durable » dans leur prise de position lors des négociations sur un accord de coalition du nouveau gouvernement ont souligné que l’Etat, les entreprises à participation étatiques et les organismes étatiques doivent garantir pleinement et immédiatement une conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains au niveau de leurs propres activités économiques. Il faut ici noter que le Pacte national « droits humains et entreprises » ne peut pas actuellement assurer cette démarche vu qu’on constate déjà des insuffisances majeures au niveau de la mise en œuvre et du suivi.
82% des répondants sont d’avis que les entreprises devraient s’engager à aligner leurs activités sur les objectifs de l’Accord de Paris et sont en faveur d’une telle obligation dans le cadre d’une loi sur la durabilité des entreprises.
Selon l’accord politique conclu au niveau européen en décembre 2023 sur la directive, le Luxembourg, tout comme les autres Etats membres, devra désormais veiller à ce que les entreprises concernées sous sa juridiction adoptent et mettent en œuvre un plan de transition visant à aligner leurs activités aux objectifs de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés Les entreprises devront garantir, en déployant les meilleurs efforts, que le modèle et la stratégie d’entreprise sont compatibles avec l’objectif climatique énoncé dans l’Accord de Paris. Si cette nouvelle obligation constitue un pas important dans la lutte contre le changement climatique, le gouvernement devra veiller à ce que la transposition en loi nationale garantisse sa mise en œuvre effective.
Des résultats qui corroborent les revendications de la société civile
La présentation des résultats de la récente enquête ILRES invite l’Initiative pour un devoir de vigilance à rappeler ses revendications au nouveau gouvernement :
Assurer une vraie conformité et cohérence au niveau des lois nationales et des prises de position du gouvernement au niveau de l’Union Européenne avec les traités internationaux en matière de droits humains, climat et environnement.
Garantir la conformité des entreprises à participation étatique et des organismes de l’Etat avec les traités internationaux en matière de droits humains, environnement et climat, ainsi que les normes internationales telles que les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains.
Les victimes des violations des droits humains et les conséquences négatives de la crise climatique ne devront pas être oubliées lors de la transposition de directive européenne dans la législation nationale, et l’engagement pour un développement durable devra désormais faire partie de l’ADN des entreprises au Luxembourg au 21e siècle, mais aussi de la politique économique de l’Etat luxembourgeois.
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