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Le Luxembourg - toujours sans position



Plus d’un an après la création du comité interministériel chargé d’étudier la possibilité d’adopter une législation sur le devoir de vigilance en matière de droits humains et environnement pour les entreprises domiciliées au Luxembourg, aucune information n’est encore rendue publique quant aux travaux de ce comité. Le gouvernement luxembourgeois ne dispose pas non plus de position officielle et publique sur le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance publiée il y a maintenant cinq mois. L’Initiative pour un devoir de vigilance appelle le gouvernement à ne plus tarder à présenter, de façon transparente, sa position sur les deux volets– national et européen.

L’étude de Dr. Basak Baglayan visant la possibilité de légiférer sur le devoir de diligence pour les entreprises domiciliées au Luxembourg en matière de droits humains et environnement a été publiée en avril 2021. L’Initiative pour un devoir de vigilance, représentant 17 organisations de la société civile, a félicité le gouvernement d’avoir donné directement un suivi à cette publication. En effet, un comité interministériel a été mis en place, sous la coordination du Ministère des Affaires étrangères et européennes, auquel participent plusieurs Ministères dont ceux des Finances et de l’Economie. Cette décision gouvernementale est en corrélation avec 92% des résidents au Luxembourg qui sont favorables à une loi nationale selon un sondage TNS-Ilres réalisé en 2020.

Ce rapport est d’autant plus important car il doit élaborer une position pour le gouvernement non seulement sur le plan national mais également au niveau européen. De plus, ce rapport interministériel devait servir comme instrument de vérification au niveau des actions du Plan d’action national du Luxembourg en matière droits humains et entreprises.

Le rapport du comité interministériel sur la position du Luxembourg n’est toujours pas publié alors que la Commission européenne a quant à elle publié une proposition de directive le 23 février dernier. Ce retard est incompréhensible car le Luxembourg doit actuellement participer à des négociations au niveau de la proposition de directive – sans avoir respectivement communiquer une position claire et transparente ! Le Luxembourg, membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, devrait faire partie des « Etats champions » qui s’engagent à améliorer le texte actuel truffé de failles et d'exemptions.

Position de la société civile et des acteurs économiques lors de la consultation européenne

En l’absence d’une position du gouvernement luxembourgeois, d’autres acteurs se sont positionnés lors de la consultation de la Commission européenne sur la proposition de directive. L’Initiative pour un devoir de vigilance a communiqué sa position en insistant sur l’importance de l’intégration du secteur financier dans le champ d’application et les améliorations à apporter pour assurer une mise en œuvre efficace au niveau des activités économique afin de lutter contre les violations des droits humains.


Alors que 86% de la population résidente[1] estime que le cadre réglementaire au Luxembourg devrait responsabiliser le secteur financier afin d’empêcher le financement d’activités de sociétés qui seraient liées à des violations des droits humains et des dommages environnementaux, l’ALFI (Association luxembourgeoise des fonds d’investissement) œuvre au niveau européen pour exclure le secteur des fonds de cette directive.[2] ALFI estime que le secteur financier est suffisamment régulé car il est soumis à des réglementations comme la SFDR (sustainable finance disclosure regulation).

Cette position n’est pas uniquement en opposition avec les attentes de la population résidente mais donne aussi la fausse impression que le secteur financier fait déjà assez en matière de droits humains. Or, les mesures actuelles relevées par ALFI, telles que la SFDR, se focalisent sur la question du reporting et de la transparence sans imposer une obligation de devoir de vigilance en matière de droits humains et environnement.

Par ailleurs, les arguments d'infaisabilité dans la position d'ALFI éludent le fait que la proposition de directive contient déjà des dispositions permettant de répondre aux difficultés soulevés en encadrant par exemple la définition de la "chaîne de valeur" pour tous les acteurs concernés par la directive.

Exclure les activités des fonds d’investisssement de la directive ne serait conforme ni au Plan d’action national sur les entreprises et les droits humains du Luxembourg, qui identifie le secteur financier comme un secteur à risque en matière de droits humains, ni aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains.

Enfin, le Luxembourg risque de rater ainsi une opportunité importante. « Le Luxembourg peut et doit se donner les moyens pour devenir un vrai centre d’excellence en matière de droits humains et durabilité. Certains acteurs engagés ont déjà prouvé qu’un développement de leurs activités financières est possible en adoptant le rôle de pionniers. » déclarent les responsables de l’Initiative pour un devoir de vigilance. «Prenons l’opportunité afin d’assurer que le respect des droits humains fasse partie de l’ADN de la place financière

Rappelons dans ce contexte que la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance exclut déjà le secteur financier de la liste des secteurs à risque bien que l’OCDE ait développé comme pour d’autres secteurs à haut risque un guide spécifique en matière de diligence raisonnable pour le secteur financier. L’Initiative pour un devoir de vigilance appelle le gouvernement à finaliser sa position au niveau d’une législation sur le devoir de vigilance en matière de droits humains et environnement et contribuer à améliorer la proposition de directive en la rendant conforme aux Principes directeurs des Nations unies relatives aux entreprises et aux droits humains, qui ont été approuvés par le Luxembourg il y a plus de 10 ans.

[1] enquête réalisée par TNS Ilres pour l’Initiative pour un devoir de vigilance, voir https://www.initiative- devoirdevigilance.org/post/le-secteur-financier-face-au-d%C3%A9fi-du-respect-des-droits-humains

[2] « ... il convient de prévoir une exemption claire des fonds (d’investissement) du champ d'application de la présente directive. » https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12548-Sustainable-corporate- governance/F3263254_en

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