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Le secteur financier face au défi du respect des droits humains



Luxembourg, le 5 mai 2022 - Le résultat n'aurait pas pu être plus clair : selon une enquête réalisée par TNS Ilres pour l’Initiative pour un devoir de vigilance, 86% de la population résidente estime que le cadre réglementaire au Luxembourg devrait responsabiliser le secteur financier afin d’empêcher le financement d’activités de sociétés dont les activités seraient liées à des violations des droits humains et des dommages environnementaux. Une majorité des résidents (75%) estime aussi qu’une loi sur le devoir de vigilance devrait être introduite au Luxembourg avant les prochaines élections législatives en octobre 2023. Les responsables politiques en charge de ce dossier doivent passer à l’action : un mandat clair non seulement pour le gouvernement mais également pour la ministre des finances Yuriko Backes. Afin de sensibiliser aussi les acteurs institutionnels du secteur financier sur l’urgence d’agir, l’Initiative pour un devoir de vigilance lance une action de mobilisation adressée aux acteurs institutionnels de la place financière.


Une majorité de la population est pour une loi intégrant le secteur financier avant les élections en 2023


Une loi sur le devoir de vigilance contribuerait à garantir que les acteurs du secteur financier respectent également les droits humains et l’environnement, notamment lorsque leurs services de financement sont proposés à des entreprises actives à l'étranger. La globalisation des activités de la place financière expose davantage ce secteur à des risques de violations des droits humains en lien avec ces services financiers.


Ceci concerne particulièrement le secteur du corporate banking ( càd. les services bancaires aux entreprises) qui selon l’étude récente «Corporate Banking Survey» 2022 de l’ABBL réalise un chiffre d’affaires tournant aux alentours des 3 milliards d’euros à la fin de l’année 2020 avec une progression de 58,8% par rapport à 2016[1]. Ce secteur est en effet très ouvert vers l’international: 72% des banques servent des clients multinationaux.


De ce fait, les activités économiques d’entreprises financées par le secteur bancaire peuvent avoir des impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement partout dans le monde comme par exemple l’investissement dans une entreprise impliquée dans des violations des droits humains dans des territoires occupés ou l’accord de crédit à une société minière impliquée dans des violations à l’encontre de défenseurs des droits humains. Ces exemples montrent que les victimes des violations des droits humains sont une réalité qui demande une réponse directe.


« La place financière, ce n’est pas uniquement « nous », résidents et travailleurs au Luxembourg[2] mais aussi les victimes de violations des droits humains engendrées par les activités financières. », déclarent les responsables de l’Initiative pour un devoir de vigilance.


Il ressort de l’enquête réalisée par TNS Ilres que 87% de la population résidente est d’avis qu’une loi devrait être introduite qui demanderait aux entreprises ayant leur siège au Luxembourg, y compris celles du secteur financier, de prendre des mesures afin d’éviter des violations des droits humains et des dommages environnementaux au niveau de leurs chaînes de valeur. 75% des résidents sont d’avis que le gouvernement actuel doit introduire une telle législation avant les élections en 2023.


« Le Luxembourg peut et doit se donner les moyens pour devenir un vrai centre d’excellence en matière droits humains et durabilité. Certains acteurs engagés ont déjà prouvé qu’un développement de leurs activités financières est possible en adoptant le rôle de pionniers. » s’expriment les responsables de l’Initiative pour un devoir de vigilance. « Il y a certes encore des dinosaures qui veulent se limiter à des mesures purement volontaires inefficaces, qui ne parlent que de sur-réglementation et se contentent d’un green ou social washing. Ils doivent enfin comprendre que le respect des droits humains doit faire partie de l’ADN de la place financière. On ne peut plus attendre 2050. »


Une étude de l’association Finance and Human Rights réalisée en collaboration avec l'Université de Genève pour le compte de « Luxembourg for Finance » affirme même que 75% des experts financiers de l'industrie disent que « le respect des droits humains ne doit pas être laissé aux seules initiatives volontaires et que les gouvernements doivent fixer des normes juridiques claires »[3].


Appliquer les mêmes règles au secteur financier qu’aux autres secteurs à risque


Selon le Plan d’action national sur les entreprises et les droits humains au Luxembourg le secteur financier doit être considéré comme un secteur à risque[4].


Or, la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance exclut le secteur financier de la liste des secteurs à risque bien que l’OCDE[5] ait développé comme pour d’autres secteurs à haut risque un guide spécifique en matière de diligence raisonnable pour le secteur financier.

Si elle est transposée dans sa version actuelle au Luxembourg, elle s’appliquerait uniquement aux entreprises du secteur financier employant « plus de 500 salariés en moyenne et a réalisé un chiffre d’affaires net de plus de 150 000 000 EUR au niveau mondial au cours du dernier exercice »[6]. Selon la liste du Statec au 1er janvier 2021 des principaux employeurs du pays, seulement 15 entreprises du secteur financier luxembourgeois (dépassant le nombre de 500 employés) tomberaient sous le champ d’application de cette directive alors que le nombre d’acteurs dans le secteur financier est largement plus élevé[7].


Devoir de vigilance pendant toute la durée d’une relation commerciale et tout au long de la chaîne de valeur


En outre, selon la proposition de directive européenne, les entreprises financières réglementées accordant des prêts, des crédits ou d’autres services financiers « ne devraient recenser les incidences négatives qu’au moment de la conclusion du contrat ». Cette disposition n’est pas conforme aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains qui prévoient que la diligence raisonnable soit menée de manière continue sur toute la durée d’une relation commerciale. Par ailleurs, la proposition de directive prévoit que la chaîne de valeur du secteur financier ne couvre pas les PME qui bénéficient de prêts, de crédits ou de financements alors qu’il y a de nombreuses PME qui opèrent dans des secteurs à risque.


Dans ce contexte, les résultats de l’enquête TNS Ilres montrent que 79% des résidents estiment « qu’une banque accordant un crédit important à une entreprise doit veiller à ce que le financement ne contribue pas à des violations des droits humains et de dommages environnementaux pendant toute la durée du prêt », c’est à dire pendant toute la durée d’une relation commerciale.


Mobilisation pour un secteur financier respectueux des droits humains


Afin de sensibiliser les acteurs du secteur financier sur l’urgence d’agir en matière de droits humains, l’Initiative pour un devoir de vigilance lance une action de mobilisation adressée au directeur général de Luxembourg for Finance (LFF), l’agence pour le développement du secteur financier, Nicolas Mackel mais également à d’autres acteurs institutionnels de la place financière. Elle invite le public au Luxembourg à appeler le CEO de LFF à « s’engager pour la promotion du devoir de vigilance auprès des acteurs financiers au Luxembourg et pour l’adoption d’un cadre législatif aux niveaux national et européen afin de garantir le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises ». Un premier pas à concrétiser rapidement par les acteurs institutionnels du secteur financier luxembourgeois comme Luxembourg for Finance serait de s’engager en faveur des droits humains et de l’environnement au niveau de leurs politiques de gouvernance.


Plus d’informations sur l’action sont disponibles sur:




[1] https://www.pwc.lu/en/banking/corporate-banking-survey.html [2] (voir la campagne de LFF « Eis Finanzplaz dat si mir all ») [3] https://www.luxembourgforfinance.com/en/publication-mag/human-right-finance/ [4] https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/Business/NationalPlans/LuxembourgNP2020-2022_FR.pdf p.17 [5] https://mneguidelines.oecd.org/final-master-due-diligence-for-responsible-corporate-lending-and-securities-underwriting.pdf [6] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022PC0071&from=EN article 2 [7] En 2022 la Commission de Surveillance du Secteur financier (CSSF) compte entre autres 123 banques, 7 « companies financières holding », 191 sociétés de gestion (SG 15), 904 gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM), 216 Sociétés d’investissement en capital à risque (SICAR).

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