Luxembourg, le 10 mai 2019 – Récemment, deux questions parlementaires ont été posées (par le député David Wagner) sur l’éventuelle implication dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi de la filiale d’une société israélienne, dont le siège serait établi au Luxembourg. Suite aux réponses des ministres Asselborn et Schneider et à quelques jours des débats sur la coopération au développement à la Chambre des députés, l’Initiative pour un devoir de vigilance rappelle que l’Etat luxembourgeois doit prendre des mesures pour éviter que les entreprises sous sa juridiction ne portent atteinte aux droits humains. L’adoption d’une loi sur le devoir de vigilance au Luxembourg contribuera à prévenir des attaques contre des défenseurs des droits humains et des journalistes.
Selon des informations disponibles sur le site de la société israélienne en question, le groupe NSO, son siège social est établi au Luxembourg. En février 2019, les dirigeants du groupe NSO ont annoncé qu'ils avaient acquis la société en achetant une participation de 65% détenue par le fonds américain Francisco Partners. L'acquisition a été réalisée avec le soutien du fonds d'investissement Novalpina Capital, qui a également des sociétés domiciliées au Luxembourg. Des recherches ont documenté l'utilisation du logiciel d’espionnage Pegasus du groupe NSO pour cibler un large éventail de la société civile, dont au moins 24 défenseurs des droits humains, journalistes et parlementaires au Mexique, un employé d'Amnesty International, l’éminent militant des droits humains Ahmed Mansoor, et semble-t-il Jamal Khashoggi.
Selon Amnesty International, ces individus et organisations semblent avoir été pris pour cible uniquement en raison de leurs critiques à l'égard des gouvernements qui ont utilisé les logiciels d’espionnage ou en raison de leur travail portant sur des questions de droits humains politiquement sensibles pour ces gouvernements. Ce ciblage constitue donc une violation des droits humains internationalement reconnus.
Le secteur des nouvelles technologies d’information et de communication a par ailleurs été identifié comme un secteur à risque en matière de droits humains par le gouvernement luxembourgeois dans son Plan d’action national sur les entreprises et les droits humains et plusieurs acteurs du secteur privé sont actifs dans ce domaine au Grand-Duché.
Loi sur le devoir de vigilance: il est temps que l’Etat assume son rôle
Selon les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains (page 3)
Il ressort de la réponse des ministres Asselborn et Schneider à la question parlementaire que le gouvernement ne compte pas intervenir car la société serait soumise aux procédures administratives israéliennes. Or, si comme annoncé sur le site de NSO, le siège social se trouve au Luxembourg, l’entreprise ne se trouve-t-elle pas sous la juridiction du Grand-Duché ? Si, dans le cadre de l’affaire Khashoggi, la vente du logiciel d’espionnage avait été réalisée par une filiale luxembourgeoise, comme l’affirment certains articles de presse, la filiale en question ne tombe-t-elle pas également sous la juridiction luxembourgeoise ?
L’Initiative pour un devoir de vigilance réitère son appel au gouvernement d’adopter une loi sur le devoir de vigilance qui obligerait les entreprises à contrôler le respect des droits humains et de l’environnement tout au long de leur chaîne de valeur. Lors de son discours sur la politique étrangère et européenne le 13 mars dernier, le ministre Jean Asselborn s’indignait contre la répression à l’égard des défenseurs des droits humains. Il est temps de passer des paroles aux actes.
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